"Dépasser la réticence pour retrouver l’Essence."

De Eva Wissenz, 8. janvier 2018

 

"Dépasser la réticence pour retrouver l’Essence."

Cette phrase m’a été donnée par Thérèse, à Lisieux, l’hiver dernier.

Devant les choses immenses, nos mots semblent minuscules mais, comme tous les chercheurs qui rencontrent ces moments, ces énergies, je vais essayer.

Tout est énergie, nos perceptions autant que la science nous le disent assez. Une énergie plus ou moins dense, ou au contraire, plus ou moins fine, le prisme est incroyablement vaste et la palette immense. Cet ensemble vivant qui englobe tous les règnes est pris dans un mouvement, et de ce mouvement naissent des échanges, des transferts, des mutations, d’ampleurs différentes, de rythmes différents.

Dans tout ceci, une âme un jour se met en marche. Insatisfaite du monde présenté "tel qu’il est", elle sent qu’il n’est pas "que" ça. Par ce mouvement, elle bouscule l’ordre des représentations et des croyances, et ce faisant elle attire des énergies dans sa recherche, les contours se font de plus en plus mouvants, les certitudes se dénouent, des éléments de réponses prennent place.

Cette âme, c’est nous.

Il y a au commencement une liberté folle à s’extraire du monde, quel que soit le moyen choisi d’ailleurs. C’est une ivresse. Et puis, il faut redescendre. Parce que le mouvement est incessant, parce que la recherche a ouvert d’autres portes, alors d’autres énergies arrivent : nous nous découvrons infimes et traversés pourtant par des immensités nouvelles. C’est souvent le moment où nos âmes tentent de "comprendre" et de s’appuyer sur un "courant".

Comme des électrons fous, nous entrons alors dans des pensées, des traditions, des voies. Nous y entrons pour trouver un lieu (d’où vivre parce que nous ne savons pas encore que nous sommes ce lieu. Nous hésitons à nous découvrir si savants, si au fait de clartés si grandes, nous n’avons pas l’habitude de penser ainsi, nous croyons que d’autres savent mieux, bref nous voulons encore tenir la main psychique de la sécurité et de la tradition.

Alors nous faisons des choix. Nous décidons d’une voie ou d’un maître parce que c’est le modèle enseigné. Souvent, en faisant ce choix, nous cessons d’être comme des enfants curieux et joyeux, nous nous mettons à défendre et justifier nos choix, nous sommes dans le culte et dans la culture, et bien vite nous re-créons le monde, un peu plus beau peut-être, bien sûr, parce que nous cherchons cette Beauté de tout notre coeur, mais c’est un artifice car dans le culte et la culture, nous devenons, au mieux, des porteurs de lumière (c’est le sens de Lucifer, lux ferre).

Aucune tradition n’a jamais empêché le moindre écueil, aucune. La spiritualité n’est pas la tradition et ne l’a jamais été. Notre besoin de nous confier à une tradition est l’équivalent de notre besoin d’autorité pour nous gouverner. Nous esquivons la rencontre.

Or, les petites âmes ne veulent pas être contenues, pas du tout. Elles veulent être vastes, pleines, libres. Pour nourrir cette énergie-là, la Nature bien évidemment est essentielle, ainsi que les symboles.

Un symbole représente quelque chose de plus vaste dont l’essence peut être perçue plus que comprise. Évidemment, il y a symbole et symbole - je reste ici dans un sacré bienveillant et syncrétique.

Les traditions spirituelles nous montrent toutes des symboles. Dans la tradition juive, tant est dit par les Lettres, le Nom, le Souffle ; dans la tradition hindoue, tous yogas confondus, tant est dit de la relation moléculaire entre esprit-souffle-spiritus et corps-matière qui se résume dans la syllabe symbolique OM ; dans la tradition aborigène tant est dit de notre aveuglement et de notre soif d’entendre, de nous laisser guider par les Voix et les Rêves par des points colorés ; dans la tradition amérindienne c’est le lien viscéral entre tous les règnes qui est travaillé par les animaux symboliques ; dans la tradition soufie c’est le mouvement de la pensée, l’absurde, l’humour et l’amour aimant qui l’emportent par la danse symbolique ; absurde et humour que l’on retrouve dans les koans du zazen... et je pourrais continuer encore longtemps, je ne veux parler que de ce que je connais un peu.

Ce que les traditions conservent et donnent d’une main, elles le reprennent de l’autre en obligeant les petites âmes à se conformer à des listes de prescriptions et d’interdits visant au maintien d’un certain ordre au lieu d’apprendre simplement à utiliser les symboles.

Selon notre culture, notre goût, notre coloration intérieure, laisser vibrer les symboles en soi, c’est l’anti-dogmatisme et l’anti-superstition à l’oeuvre, c’est le sacré revitalisé par des formes à mi-chemin entre le comprendre et le sentir, précisément "entre" ciel et terre, comme nous. Et, comme nous peut-être, ce sont aussi des repères, des points d’énergie, des instruments multi-dimensionnels faits pour flotter, faits pour l’imprécision, la vibration et l’inspiration autant que pour la forme et l’action.

Ainsi, une toute petite sainte suggère de "Dépasser la réticence pour retrouver l’Essence."

Elle le suggère parce que les âmes cherchantes sont encore si effrayées par le symbolisme chrétien. La Croix terrifie, les saints sont peu appelés, la mémoire collective des bûchers de l’Inquisition bloque, sans parler des horreurs commises par l’Eglise au temps des conquêtes, ni des dérives actuelles que nous savons.

C’est effectivement tragique de voir le message - ou plutôt l’énergie "Christ" - encore tant voilée, voire bloquée, par ce regard douloureux.

Faisons un pari de bienveillance... regardons cette peur en nous d’accepter directement l’héritage confié... cet héritage, que l’on soit chrétien ou pas, étant d’accepter la réalité de la proposition incarnée par le Christ, la possibilité du tout amour, la possibilité de la non-mort, la possibilité de l’identité entre des être apparemment différents.

Je sais bien que ça n’est pas rien. Et pourtant, il ne s’agit que de cela.

Les petites âmes européennes, comme toutes les petites âmes de toutes les cultures, sont actuellement en train de guérir de leurs erreurs, errances et fausses croyances. Et ceci passe par une acceptation pleine du symbolisme chrétien mieux compris.
Oser écouter les vies des saints comme des symboles dont les vies nous parlent dans des fréquences particulières, comme les oiseaux parlent aux éveillés, comme les vents parlent aux marins.
Oser s’entretenir en confiance avec les énergies symboliques que nous percevons.
Oser affirmer que nous n’avons plus besoin de basiliques ni de monuments car la volonté ne construit que des édifices vides.
Oser remiser la Croix pour nourrir dès à présent l’énergie de la Résurrection en soi, l’énergie l’identité de tout en Tout représentée par la Trinité, l’énergie de la possibilité que tout soit réellement Amour.
Oser mettre nos pas dans ceux de l’énergie Christ pour sentir que nous sommes une seule famille qui est, à tout instant, le chemin, la vérité, la vie... vous voyez ?

Petit à petit, la cohérence induite par le travail des symboles esquisse en nous un ordre, un alignement sur le Vrai que chacun désire et dont chacun connaît la texture si intimement, et cet ordre d’amour auquel chaque âme obéit secrètement et librement lave de tout, élève tout.

Merci Thérèse !