Être amour
"Depuis, dit-il après un instant de silence, je ne permets pas qu’un seul instant de ma vie se passe sans amour. Que je touche quoi que ce soit, un animal, un humain, un végétal, un minéral ou même Dieu, je le touche avec amour.
Mais ce n’est pas moi qui aime à proprement parler, c’est l’amour en moi qui aime. Et je ne suis pas non plus le producteur de cet amour, disons qu’il descend de quelque part en tant qu’énergie. Il descend parce que je me suis engagé avec ce quelque part et parce que je me suis marié avec cette énergie.
Je suis ainsi devenu un lieu par lequel cet amour passe. Cela signifie que je ne choisis plus ce que je veux aimer. Je ne me mets pas en travers de cette énergie avec des attitudes personnelles de sympathie ou d’antipathie. Je permets que cet amour opère en moi et j’apprends alors à travailler avec les altérités des autres.
L’autre peut être un chat, un oiseau, un renard, une vipère, une mouche, une table ou un parquet. J’ai émis cette prière : ’Que tout ce que mes yeux touchent soit imprégné d’amour.’ Mais ce n’est pas un amour identifié, non, c’est un regard d’amour pour tout ce qui existe. Et l’une des premières règles que j’ai apprises, c’est que l’on ne peut pas vivre avec l’amour si on ne le fait pas circuler.
Il but une longue gorgée de thé.
Alors, pour répondre à votre question, reprit-il lentement, vous pouvez maintenant déduire de tout ce que je viens de vous dire que La Voie du sentir est exclusivement basée et enracinée dans la notion de servir. Non pas servir autrui, ça c’est autre chose, mais servir cette énergie que l’on appelle l’amour.
Les anciens mystiques, de même que les béguines, affirment que pour pouvoir servir l’amour, il faut commencer par apprendre à aimer. C’est le premier pas. Le deuxième pas, c’est de savoir protéger ’amour’. Le troisième pas, c’est cesser d’aimer pour devenir ’amour’."
Luis Ansa, in La Voie du sentir.
Photo de la forêt de Waipoua, Nouvelle-Zélande.