Quand je serai grande

De Hélaine Charbonnier Teljesseg, 27. octobre 2018

 

« Quand je serai grande » est une formule qui pour moi, n’est rien de moins que magique et c’est peu dire que j’adore l’utiliser. C’est elle qui me permet d’éluder certaines propositions auxquelles je n’ai aucune envie de donner suite.
Du moins pas dans cette vie là.

— Il serait temps que tu apprennes à conduire, tu ne crois pas ? m’a-t-on dit un nombre assez conséquent de fois.
Eh bien non ; je le ferai quand je serai grande…
Bien-sûr, grande, il va sans dire que je le suis déjà. Mais pas parce que je m’approche de la soixantaine et que je suis sensée être entrée depuis un bon moment en maturité.
D’ailleurs, si comme le disait un certain Desproges, l’âge mûr est la période de la vie qui précède l’âge pourri, je n’ai aucun souci à me faire. Le fait est que je ne me suis jamais sentie aussi sautillante. Aussi dynamique. Aussi joueuse. Aussi insouciante et légère. Que je ne me suis jamais approché autant de ma vérité et… Ô merveille, que je ne me suis jamais sentie autant aimée.
Non ; si je suis grande, c’est parce que je me suis reconnue dans ce qui fait ma grandeur. C’est parce que je me suis reconnue dans ma vastitude. Et donc dans quelque chose qui n’a que très peu de rapport avec ce temps que l’on sait par ailleurs ne pas vraiment exister.
Au demeurant, sait-on seulement quel âge on a en vrai ? Et ce qu’est la vieillesse ? Et quand finit ou bien commence l’adolescence ? D’ailleurs, a-t-on seulement conscience que l’à-venir n’a besoin pour exister que d’un présent totalement accordé ?
Anticiper ce que sera demain ma vie ? D’accord. Mais alors uniquement quand je serai grande !