Poésie, poésie
Le genre lui-même était comme un visage qui d’une certaine façon ne me revenait pas. D’une certaine façon oui, et bien évidemment pas d’une autre car enfin la petite crosse de fougère était là et il y avait tant de délicatesse et de beauté en cette fleur de sauge. Mais le genre était enflé, pensais-je, tout imbu de lui-même et rouge d’avoir trop mangé même une fois dépouillé de tout ce qui l’alourdissait, à commencer par cette versification par trop systématique.
Et alors le printemps s’arrêtait.
D’ailleurs, une fois repu, le genre poétique ronflait. Ainsi, croyais-je, m’empêchait-il de rêver, quoi qu’il eut simplement suffit alors d’en redéfinir le terme. Mais j’oubliais mes heures d’encre noires et les mots que j’avais moi-même jetés.
Tout était poésie, bien-sûr. Tout disait toujours plus que ce qui était dit. Oui mais voilà, il manquait quelque chose pour que le mot à mon oreille puisse se défaire du gros visage rouge tellement prétentieux que j’avais moi-même inventé.
Un certain sens ? Autre chose peut-être ?
Mais le monde n’avait aucunement besoin qu’on lui réinjecte de la signifiance : le sens est déjà là. Tellement magnifique dans son évidence. Et il suffisait pour le cueillir que d’aller chercher à la racine des mots pour qu’il jaillisse à la façon d’un printemps turbulent.
J’adore l’étymologie. J’adore la questionner et force m’est de reconnaître qu’elle n’a, dans ses réponses, jamais échouée à étancher la soif de sens que j’avais. Et donc c’est à elle que je dois, en partie, de m’être réconciliée avec la poésie avec laquelle je n’étais pas fâchée. De lui avoir redécouvert – ou accordé ? – un tout autre visage car le mot « vient en du grec ancien « poiêsis » qui désigne à la base n’importe quelle création.
Oui tout est poésie. Et pour peu qu’une amie double le mot, comme on double une amarre pour la rendre solide – poésie, poésie – alors quelque chose en moi enfin la reconnaît.