À propos du printemps
Nous nous étions rencontrés au printemps. Mais n’allez pas croire que le printemps puisse être acquis comme ça sous prétexte que le solstice vient de nous arriver.
Le printemps, c’est bien davantage que ce que l’on ne peut en voir ou qu’une date dans un calendrier. C’est un état d’esprit, le printemps ; un état de sève. C’est intérieur bien avant que d’être éloquent. Et n’allez pas imaginer non plus que l’usage du passé puisse être une indication comme quoi il serait aujourd’hui terminé. Il n’est en effet de temps que le présent malgré les apparences.
Donc nous nous rencontrons. Et combien surprenante est la vie, pourvu que nous avancions autrement que contraints et combien surprenant est l’instant qui invite ainsi l’homme à s’approcher. Qui eût cru en effet qu’elle me le réservait, lui qui ressemble si peu à ce que j’attendais ? Quoi ? L’instant qui va voir éclore la rencontre ? Qui ; l’homme qui vient de me contacter et qui lui aussi va me bousculer ?
Être bousculé est parfois la meilleure chose qui puisse nous arriver quand nous avons le désir d’avancer, et cela de toute évidence même si nous rechignons le plus souvent à l’être. Le fait est que nous avons peur. On ne veut pas perdre le semblant d’équilibre que l’on pense avoir trouvé. On ne veut pas risquer de tomber. Par peur d’être bousculé, et comme si cela pouvait nous en éviter l’expérience, on va même jusqu’à décider que les choses ne peuvent se passer que d’une certaine façon et pas d’une autre, et que nous sommes nous-mêmes constitués d’une matière qui ne saurait être changée.
Extrait de "Conte à l’Eau de Rose", Les Contes du Jour qui Vient.