Le bio c’est cher, ça nourrit pas tout le monde et autres balivernes - P. Desbrosses, E. Bailly et T. Nghiem

De Eva Wissenz, 18. août 2010

 




"Dans le Massachusetts, une étude menée par l’Université pendant dix ans, sur des vergers, a montré que la production de pommes bio n’a cessé d’augmenter au fil des années pour dépasser celle de l’arboriculture chimique qui dégradait les sols, et ceci avec trois fois moins de dépenses d’engrais et pesticides pour les vergers bio, qui avaient des cultures associées de légumineuses entre les rangées d’arbres et entretenaient une foule d’insectes auxiliaires prédateurs de parasites.

Au Burkina Faso, déjà à la fin des années 80, les agriculteurs locaux et les chercheurs ayant pour seule fertilisation le compost, avait réussi à quintupler les récoltes de pommes de terre en utilisant un insecticide naturel contre le doryphore. En effet, une macération d’écorce amère du caïlcédrat, un arbre qui pousse dans le désert était pulvérisée sur les cultures qu’elle protégeait efficacement contre le parasite.

La petite communauté malgache "Tefy Saïna" de Fiannaratsoa à 200 km de Tananarive, animée par des pères jésuites agronomes depuis 40 ans dont le père de Laulanié et le frère Hubert, a multiplié par 10 les récoltes de riz, sans aucune motorisation, ni engrais, ni pesticides et encore moins d’OGM.

Leur secret tient en 4 grands principes :
 une variété ancienne de riz rustique adaptée aux conditions locales ;
 la rotation des cultures (jamais 2 années de suite la même culture sur la même parcelle, seulement après quelques années) ;
 une fertilisation organique, à base de débris végétaux et de fumier composté comme engrais idéal et surtout...
 une découverte étonnante dans la gestion de l’eau, puisqu’ils assèchent la rizière au stade du tallage du riz, et dans cette circonstance, un grain fait cent épis...

Depuis 10 ans cette pratique "ignorée" par les grandes institutions internationales est en train de se diffuser par le "bouche-à-oreille" en Chine, au Bengladesh, en Thaïlande, au Chili...

On pourrait multiplier les exemples d’agriculture intelligente, intégrée et porteuse d’un vrai progrès pour l’humanité, pour l’alimentation et le bien-être des populations. Le cas de Takao Furuno au Japon est jubilatoire. Ce paysan japonais cultive 2 hectares dans le village de Teisen où s’est rendue Mae-Wan Ho, directrice de "Institute of Science in Society" pour enquêter sur ce que l’on nomme déjà la "ferme-miracle". Son histoire mérite d’être contée.

"Ayant remarqué dans des gravures anciennes des élevages de canards associés à la culture du riz, il s’en étonne car il croit, selon les préjugés, que ceux-ci peuvent dégrader la plante et compromettre les récoltes. Après bien des hésitations, il décide de tenter l’expérience et contrairement à ce qu’il craignait il découvre que les canards ne touchent pas aux plantules de riz, trop siliceuses, mais s’ébattent dans la rizière entre les rangées en mangeant les insectes, les parasites, les escargots qui attaquent les plants de riz. Ils mangent aussi les mauvaises herbes en grattant avec leurs pattes pour les déterrer, ce qui contribue à oxygéner l’eau et à augmenter la croissance du riz. Cette heureuse collaboration lui permet d’économiser 240 heures de désherbage manuel par hectare.
[...] Le résultat est impressionnant, la petite ferme produit 7 tonnes de riz, 300 canards, 4000 canetons et suffisamment de légumes et de poissons pour nourrir 100 personnes toute l’année...
A ce rythme, les économistes ont calculé que 2% de la population suffisent pour nourrir la nation tout entière ! Le Japon pourrait très bien devenir auto-suffisant.
[...]
Dans le rapport faussé de la comparaison entre agriculture intensive, considérée comme performante alors qu’elle ne tient qu’à coup de subventions, et agriculture biologique considérée comme archaïque parce qu’elle gère "économiquement" le patrimoine, il y a les coûts cachés et les dégradations de l’environnement. Si nous devions faire une comparaison honnête entre ces deux agricultures, on serait stupéfait des avantages de l’agriculture biologique sur le plan économique.

Dans un livre publié par le COMITE 21, on apprend que :
 1 kg de pomme de terre en agriculture intensive est vendu en moyenne 0,65€ ;
 alors que le même en agriculture biologique est vendu en moyenne 1,30€ ;
 si nous devions calculer les coûts réels, le kilo en agriculture intensive serait à 4,00€ ;
 alors que le même en agriculture biologique serait toujours à 1,30€."

Extrait de Terres d’avenir pour un mode de vie durable de P. Desbrosses, E. Bailly et T. Nghiem, préface d’E. Morin, Ed. Alphée, 2007.

Lire le communiqué de Mr De Schutter rapporteur de l’ONU (22 juin 2010) qui déclare que : « Pour nourrir le monde, l’agro-écologie surpasse l’agriculture industrielle à grande échelle ».

Ainsi que le rapport de la FAO (hiver 2010) sur la perte alarmante de biodiversité sur le site de l’ONU.
Voir aussi le rapport présenté à l’ONU par Mr O. De Schutter : "L’agroécologie peut doubler la production alimentaire en 10 ans" (mars 2011).
Une étude de l’INRA sur le lien entre santé et alimentation (2018).