Fils et filles de bio
Au collège, au lycée, pas facile dans la cours de récré de défendre les valeurs écolos des parents quand la plupart des copains suivent le mouvement consumériste. Bardés de marques et de produits aussi coûteux que polluants, ce sont encore eux qui donnent le ton mais plus pour longtemps car tout ce look à base de pétrochimie sera probablement bientôt complètement démodé. Les choses changent et la preuve... Exit les produits baba cool en poils de chèvre, voici une petite sélection tendance pour oser vivre tout haut chez les ados ce que plein d’autres pensent en réalité tout bas...
Apprenez à choisir

La première chose, pour la mode comme pour le reste, c’est de savoir lire les étiquettes et d’aller chercher l’info qui vous manque. Il faut reconnaître que c’est parfois dur de s’y retrouver, de distinguer le faux du vrai, les vrais produits écologiques et/ou produits équitablement du « greenwashing » (terme anglais qui désigne des produits ou services qui ont une apparence écologique mais qui ne le sont pas, comme le concept de voiture « propre »). Dans la presse spécialisée ou sur Internet, toute l’information est là pour vous y retrouver.
Un exemple frappant : si certains jean’s sont fabriqués en coton bio, leurs teintures sont hélas encore bourrées de soude caustique et autre indigo synthétique très polluants... Donc faites le tri ! Pour le coton, quelques sigles et labels (Ecocert, Eko Skal et IMO, Demeter, BioRe...) certifient à présent un coton bio, une filière de traitement (blanchiment et coloration) propre, l’absence de produits toxiques dans les fibres et des conditions de travail décentes pour les producteurs. Ensuite... c’est une affaire de goût ! Pour faire la différence, sachez aussi que pour fabriquer 1 seul tee-shirt en coton non-bio il faut des tonnes de pesticides et quelque 1300 litres d’eau. Si un tee-shirt en polyester se « contente » de 40 litres, il est en revanche fabriqué à partir de pétrole et les besoins énergétiques pour le produire sont trois fois supérieurs à ceux du coton. Donc chanvre ou coton bio à toutes les sauces car pour l’instant on n’a pas encore trouvé mieux...
Marquez vos valeurs
Comme vos parents ont du vous le dire avec l’alimentation : consomme local ! C’est valable aussi avec la mode. Quelques marques proposent des coupes très graphiques ou plus glamour dans un esprit vraiment écologique : production de tissus bio, traitement, production équitable, souvent locale, si, il y en a plus qu’on ne croit ! D’autres soutiennent activement des projets solidaires dans des pays en voie de développement où sont produites les matières premières : ce sont alors de vrais partenariats basés sur une relation humaine d’échange qui dépasse le simple cadre commercial. Pour le style on est loin des ponchos et vos amis auront du mal à détecter le vêtement « bio ». Évidemment, porter ces marques et les faire connaître est une manière forte d’afficher vos convictions.
Pour la rando, le label Oko Tex venu de Scandinavie indique des vêtements d’extérieur solides et résistants à l’eau fabriqués écologiquement. Côté dessous, finies les culottes en gros coton blanc de mamie. La jolie lingerie bio est là et bien là avec pas mal d’audace et de raffinement. Mais au-delà de la coquetterie, songez que votre intimité mérite toute la douceur de ces tissus naturels. Pour l’été, vous trouverez facilement des tongs fabriquées en matériau de récupération (pneus, tendeurs...) ainsi que des maillots de bain colorés en coton bio.
Dans les accessoires on trouve depuis peu des sacs Réversible aux formes délirantes réalisés dans des bâches publicitaires en pvc, vous savez, celles qui durent le temps de masquer un échafaudage et ne sont pas biodégradables. Et bien ces bâches peuvent maintenant être récupérées, coupées, assemblées et cousues pour créer des portefeuilles, des sacs lanterne et des besaces de pc ... Quand le sac a fini sa vie, on le retourne et on le renvoie au créateur qui se charge alors de sa destruction... et la boucle est bouclée. Plus classique, on voit fleurir nombre de ceintures bananes et sacs en tissus. Et pour les têtes à chapeaux, pourquoi pas un joli bonnet en chanvre ou carrément une vraie casquette de marin grec ?...
Loisirs créatifs et détente culturelle

Pour surfer sur la toile, c’est encore timide mais on commence à voir des pc en bambou chez Asus, peut-être un bon début dans le domaine ! Bonne nouvelle également, certains petits portables sont déjà installés avec des logiciels libres... Mais idéal pour les plus stoïques c’est de ne pas céder aux sirènes de la mode du jetable, de récupérer un vieil ordinateur costaud et d’y installer vous-mêmes les logiciels libres.
Pour les balades, le moins polluant c’est évidemment le vélo (avec casque)... mais un vélo en quoi ? Là encore le bambou hyper-résistant s’impose... Plus confortable que le carbone et plus résistant que l’acier, ce matériau simple et naturel commence à fleurir sur les vélos, notamment chez Bike Bamboo. Pour les longs déplacements, la voiture d’accord mais un minimum et si possible à plusieurs, en famille ou co-voiturage avec des amis. Saviez-vous que, selon l’Ademe, 80 % des conducteurs sont seuls dans leur voiture ? De plus 1km en voiture consomme 1kWh d’énergie, soit à peu près une tonne de pétrole/an en rejetant dans l’air entre 100g et 300g de CO2/km... Si çe ne vous tente pas, reste le train... Et si vous devez prendre l’avion, pensez à compenser vos émissions via un des nombreux sites existants.
Sinon que diriez-vous d’épater les copains en leur servant des nouilles écolo pendant la prochaine dvd partie ? Une marque japonaise spécialisée dans la nouille instantanée a élaboré un emballage 100% biodégradable en amidon végétal et autres éléments recyclés et issus de la biomasse. Tout, le couvercle, les pots de sauce, le film protecteur, se dégradent naturellement dans la terre... Quand on sait qu’il s’en écoule plus de 50 milliards par an, ça vaut le coup de s’y pencher. Je ne sais pas si les nouilles sont bio mais ce n’est pas une raison pour les jeter n’importe où évidemment !
Après le film, testez tous ensemble votre empreinte écologique : chacun y verra vite combien de planètes seraient nécessaires pour subvenir à ses besoins selon son mode de vie habituel. Résultats étonnants et discussions passionnées au programme ! C’est souvent à partir de ce test que l’on commence à prendre conscience que les problèmes d’environnement nous touchent tous directement et surtout que nous pouvons nous impliquer activement dans leurs résolutions. Et si l’envie de créer votre propre univers durable virtuel vous tient, reste à créer votre univers durable sous forme de jeu (par exemple Durable et vous...)
Si vos copains s’ennuient les week-ends, proposez-leur un rendez-vous cueillette de fruits et légumes avec pique-nique dans une ferme pas loin de chez vous (si, si, même près de Paris il y en a) ou bien une journée au Parc Eana. Ouvert en pays de Caux depuis juillet 2008, c’est un parc de loisirs d’un nouveau genre, lieu d’apprentissage et d’exploration de la nature qui peut être intéressant pour les citadins.

Mais avant faites-leur lire quelques mangas bien choisis... On connait la réputation violente et sulfureuse du manga qui illustre des univers ultra-agressifs correspondant à un Japon complètement dénaturé. Mais là aussi la tendance s’inverse et, avec le talent qu’on leur connait, certains maitres du manga ont imaginé des histoires très fortes de nature et de paix, remarquablement bien documentées et très humaines.
A découvrir de toute urgence la trilogie haletante Les Fils de la Terre (Delcourt) sur l’agriculture traditionnelle ainsi que le très beau Sous un rayon de soleil (Tonkam) où les arbres sont de vrais personnages. Signalons aussi les 10 volumes de Gen d’Hiroshima (Vertige Graphic) sur la paix et Global Garden (Delcourt) plus fantastique, avec pour toile de fond l’écologie. Le Pacte des Yokaï (Delcourt) raconte l’histoire du solitaire Natusme qui communique avec les yokai, esprits naturels de l’ancien temps... Esprits que l’on retrouve dans La Forêt de Miyori (Milan) où la jeune héroïne descend en ligne directe de la reine de la forêt. Enfin pour apprendre tout tout tout il y a le Manga Science (Pika) où des tas de questions sont expliquées à deux élèves : comment une plaie guérit-elle ? Qu’est-ce que les pluies acides ? Où vont les eaux usées ?
Pour les polars, si vous êtes amateurs, plongez dans Mort sur la forêt de P. Nottret (Robert Laffont) qui se place en pleine jungle amazonienne où règne l’Urihani, l’esprit de la forêt. Le Chant pour Jenny (Folio) met en scène une avocate qui se bat contre des multinationales et, l’auteur, Staffan Westerlund, un Suédois, y livre des descriptions vraiment superbes de la nature. A signaler aussi par H. Crié Wiesnern On peut toujours recycler les ordures et Autant en rapporte le vent (les deux chez Gallimard).
Côté littérature, pas grand-chose encore mais ça va venir... il faut chercher du côté des voyageurs, des grands témoignages de rencontres avec la nature... L’Appel de la forêt de J. London ; Robinson Crusoë de D. Defoe ; Vendredi ou la vie sauvage de M. Tournier ; Colline de J. Giono ; Ravages de Barjavel ; Le Chant des pistes de B. Chatwin ; Walden de Thoreau et Terre des hommes de Saint-Exupéry. Plus récents, citons le Voyage au pays des arbres J. M. G. Le Clézio et Tobie Lolness de Thimothée de Fombelle, sans oublier Le Monde du bout du monde de L. Sepulveda et Le Pays des marées d’A. Ghosh. Pour les films, oubliez les super-productions catastrophes mais essayez de dénicher quelque part La Belle Verte de Colline Serreau, Bataille à Seattle de S. Townsend ou encore le cultissime Soleil Vert de Richard Fleischer.

Après tout ça, si vous avez réussi à convaincre un ou deux copains de s’intéresser à l’environnement de près, pour les vacances n’hésitez pas à partir à plusieurs pour un voyage solidaire. C’est actuellement la meilleure manière de découvrir des modes de vie différents du vôtre, à la campagne ou dans un autre pays, de vous familiariser directement avec des environnements fragiles et des traditions solidaires. En cherchant sur la toile, vous trouverez probablement un chantier de rénovation, une construction de yourte ou un atelier four solaire, un puits à eau à creuser ou un groupement d’agriculteurs à soutenir histoire d’apprendre en filant un coup de main... et bien des gens en ont besoin !

Enfin si vos parents sont à court d’idées culturelles les dimanches, emmenez-les découvrir l’art pauvre, naïf, rural, brut, décalé, ces arts faits de recyclage, d’humour et de bouts de trucs. Comme, par exemple, l’énorme Cyclop niché dans la forêt de Milly, bricolé par Niki de Saint-Phalle et Tinguely, le MIAM de Sète qui expose les arts modestes ou encore le palais idéal du Facteur Cheval. Des artistes qui récupèrent, recyclent, libèrent leur imagination, bref qui ont tout compris ! Alors à la récré au lieu d’essayer de vous fondre dans la masse foncez, affichez votre naturel comme une évidence, faites-vous chefs de bandes (vertes) et donnez le ton parce que demain est à vous.
Eva Cantavenera
décembre 2008